L’avion: absurdité normalisée

Parti-de-la-resistance.fr

Ces deux mois d’été, pas moins de 4,8 millions d’avions ont sillonné la planète ((Estimation qui se base sur la moyenne quotidienne des vols mondiaux, lesquels sont bien plus nombreux en juillet/août, et voit donc certainement ce nombre de 4,8 considérablement augmenter. Voir http://www.planetoscope.com/Avion/109-nombre-de-vols-d-avions-dans-le-monde.html)), menant les touristes dans des lieux de vie de plus en plus standardisés qui, s’ils ne le sont pas encore et sont recherchés pour leur « authenticité », le deviendront bientôt par le processus logique que l’authenticité recherchée par beaucoup et la possibilité de rejoindre en avion les lieux que l’on qualifient ainsi leur fait perdre le caractère recherché. On n’en est pas moins à cette logique absurde que la recherche d’authenticité tue l’authenticité ((Voir le dossier du Monde Diplomatique, juillet 2012: « Tourisme, l’industrie de l’évasion »)).

Fuyant des conditions de vie et de travail qui, derrière les discours auto-persuasifs du « j’aime mon boulot », cachent le plus souvent l’aliénation profonde et la soumission résignée, l’avion se révèle le transport idoine pour accélérer la fuite et augmenter l’éloignement: on part vite et loin. Or ce gain de temps ((Que l’on recherche avec la voiture également, voir « Les accidents de voiture ne sont pas des accidents« , Kairos, avril-mai 2012)) , qui n’en est un que dans une perception absolue, a pour principe de confirmer le mode de vie que l’on fuit: « On sait que les gains de temps, constamment recherchés par la société moderne – qu’il s’agisse de la vitesse des transports ou de l’usage des potages en sachet – se traduisent positivement pour la population des États-Unis dans ce fait que la seule contemplation de la télévision l’occupe en entre trois et six heures par jour » ((Guy Debord, La société du spectacle, Éditions Gallimard, Paris, 1992, p.153)).

Or, même si le temps « gagné » devait être occupé autrement que par l’abrutissement télévisuel, il faudrait discuter la réalité de cette notion de « gain ». Le prix d’un billet d’avion est le résultat d’un choix politique – au service du capitalisme – reflétant les divers subsides publics offerts aux aéroports, la participation extraordinaire des contribuables dans le développement technologique des deux grandes firmes que sont Boeing et Airbus par le biais de l’industrie de l’armement, la non taxation du Kérosène, mais aussi, et surtout, par le refus de prendre en compte dans le prix du billet les externalités négatives multiples engendrées par le vol d’un avion.

Tout individu doué de raison sait donc pertinemment que s’il utilise encore ce moyen de transport, il devrait dès maintenant s’y refuser. Car l’avion, très certainement, est un crime contre l’humanité qui ne profitent qu’aux grandes compagnies. C’est là ce qu’essayait de montrer Pierre-Emmanuel Neurohren en bloquant pour la troisième fois le départ d’un vol depuis l’aéroport de Bercy à Paris ((Voir http://parti-de-la-resistance.fr/?p=1326)).

Nous ne pouvons que louer son courage et sa détermination, mais les forces en présence rendront très certainement l’acte sans suite, là où d’autre part la justice cherchera à punir celui qui met en danger ce qu’elle s’emploie toujours à défendre. Parmi ces forces en présence, la plus puissante, l’indispensable, est très probablement celle du sujet persuadé de l’intérêt immédiat que représente pour lui l’avion. Il a « envie » de prendre l’avion, perçoit sa non-utilisation comme un manque et, faisant fi des dommages collatéraux qu’occasionnent son envie, il ne voit pas pourquoi il arrêterait… surtout que les autres continuent. L’un ou l’autre voulant faire acte de contrition donneront quelques deniers pour planter des arbres qui capteront les tonnes de co2 émises présentement… 100 ans plus tard!

C’est là le frein le plus puissant à une modification du statu quo et à une refondation complète de nos sociétés: l’individu capitaliste – de gauche ou de droite – a fait sien les innovations d’un système qui de cette façon s’assurait d’avoir à son service les instruments de sa perpétuation.

A.P

Ce contenu a été publié dans Vision globale. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *