Lorsque les médias choisissaient – encore – les candidats

« Hollande, « le plus présidentiel » » pour les médias français », titrait ce matin Le Soir sur son site internet. Aurions-pu nous attendre à ce qu’au lendemain d’un débat qui a vu la démocratie-spectacle faire son grand show, donc faire le spectacle de la démocratie qui se donne en spectacle et s’emploie à inventer tous les atours d’une réalité dont elle s’évertue quotidiennement à limiter les contours, aurions-nous donc pu nous attendre à ce que Le Soir nous éclaire sur le processus de construction médiatique de la « lutte » électorale ?

Non ! « Pour la plupart des éditorialistes français, François Hollande est le grand gagnant du débat opposant les deux candidats à la présidentielle ». Car dans « la plupart », le quotidien belge inclut dans une gestuelle automatique de mimétisme journalistique, ces éditocrates intronisés par la profession et cooptés par leurs amis, habitués du dîner du siècle et suppôt du pouvoir ((voir à ce sujet DSK, Hollande, etc… , ou encore « Fin de concession »)), auxquels lui-même fait appel pour nous décrire les élections présidentielles françaises ((voir « Le duel des experts » )).

Giesbert, Pujadas et autres Apathie demeurent alors les seuls à pouvoir s’exprimer. Résultat d’une construction médiatique bien rôdée, le spectateur, passif, se voit contraint alors d’accepter les deux candidats comme reflet du choix des Français ; comme s’ils n’étaient que le choix des Français, et non le choix des français construit par le choix des médias. Mais cela est difficile à faire entendre dans une société où l’on répète inlassablement que les médias ne font pas l’opinion, car l’opinion est chose privée que le sujet construit seul.

Une fois placé leur « candidat préféré », ne reste plus alors qu’à décrire dans la presse le match qui a opposé les deux concurrents : comment l’un a écrasé l’autre, lui a résisté, a paré ses attaques, l’a pris en défaut…

Rien sur le fond. Pauvreté de la pensée qui se limite à des combats de coqs de deux candidats qui, outre que l’un soit moins pire que l’autre, partagent certaines valeurs fondamentales de société, dont la croissance, la compétitivité,  le nucléaire, l’obéissance aux diktats européens… rien sur le nucléaire et la bombe  à retardement qu’il porte, le scandale des gaz de schistes, la fin inévitable de la croissance avec la fin du pétrole, la nécessité de changer de modèle de société…

Pourtant, comme lors de la victoire d’Obama en 2008 et son entrée en fonction en janvier de l’année suivante, les médias se gargariseront si le candidat qu’ils ont choisi « gagne » la présidentielle. Ils verront dans cette victoire celle de la démocratie et confondront le combat d’un homme pour le pouvoir avec celui du peuple.

Pourtant, ce jour-là, une chose aura bien atteint son faîte : la défaite de la pensée !

A.P

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