Télé et Caritatif : tant que ça marche…

« Faut-il arrêter le Téléthon dans sa forme actuelle? », se demande les médias français ce matin du 4 novembre 2010. La question balaiera plus large et nous introduira dans ce champ prospère qu’a été l’ingérence médiatique dans la chose sociale, et nous indiquera aussi que là où la corrélation bonnes oeuvres-profits s’efface, disparaît conjointement la philanthropie des patrons télévisuels qu’on croyait si grande.

C’est que les bonnes œuvres s’arrêtent là où commencent les pertes des financiers et autres hommes d’affaires du petit écran. Il ne faudrait quand même pas que les dividendes des actionnaires de Danone ou du Club Med se réduisent parce que plus assez de personnes regardent la bonne volonté mise en spectacle dont des handicapés récoltent les « maigres » bénéfices (qui fournit toutefois à l’Association française contre les myopathies 80% de ses ressources financières) ; puisqu’il y aura moins de « cerveaux humains disponibles » à la pub. Exit les handics, place aux poupées de Miss France… là où les premiers récoltaient quelques petits 10% d’audience en 2009, les deuxièmes flottaient dans les 40%! –  anticipant les effets de la suppression de la pub sur France Télévisions, les craintes de pertes sont grandes. Évidemment, face à cela, les myopathes n’ont qu’à être plus convaincants! Pourquoi pas un séjour en Afghanistan? Deux avantages s’ensuivraient: maltraités par les Talibans, ils pourraient, à l’affiche d’un Figaro ou autre journal de « la France qui se lève tôt », justifier comme l’a fait Time Magazine récemment pour les troupes américaines, la présence des troupes françaises ((voir l’édito du Monde Diplomatique de septembre 2010)); ensuite, défigurés, estropiés encore plus, les spectateurs, après un bon matraquage médiatique pré-Téléthon, afflueraient emplis de sainte pitié (et piété)… promesse de survie du Téléthon au moins d’une année, le temps que la vague émotionnelle s’écrase.

L’occasion que suscite la nouvelle est aussi celle de pointer l’instrumentalisation par un petit groupe de la solidarité et de la pitié d’un autre plus important: le citoyen-téléspectateur. Et donc de rappeler que les gains des oligarques médiatiques étaient doubles : à la fois en amont par cette forme pernicieuse qu’est le progressif retrait étatique des services de recherche scientifique et d’aide qui aurait naturellement du être de son ressort; de l’autre, en aval, dans la médiatisation de la souffrance et l’exploitation du vide financier qu’il a lui-même créé et dont il tire profit en le médiatisant. En outre, ces insatiables assoiffés, faisant feu de tout bois, en retirent encore une auréole pour leur magnanimité, à une échelle d’écoute inescomptable.

Mais ces deux « avantages » en disent plus long sur l’état de notre société. Le charity business instille dans le corps social la définition des fonctions de l’État et de ses limites, désolidarisant les luttes collectives sous la spécieuse injonction à la bonne volonté individuelle.

Doit-on se battre pour maintenir le Téléthon à la télé? Ou pour une fin de l’enrichissement d’une minorité sur la souffrance des autres? Et donc le retour de la recherche sur les maladies rares –  et autres – dans le giron étatique? Se rappeler que rien n’a d’intérêt pour ceux qui s’enrichissent sur la misère des autres, excepté l’argent, et qui la soulagent à coups de palliatifs lénifiants, est une aide précieuse pour celui qui veut répondre à la question.

A.P

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