Les « Fraudeurs » de la stib

Introduisant son article sur l’événement du week-end où une équipe renforcée d’agents de la Stib attendait, lors du 20km de Bruxelles, des joggeurs fatigués ayant emprunté les transports en commun pour rejoindre « l’endroit où ils avaient laissé leur voiture » – dixit le journaliste –, et les coincer, le journaliste commentait : « toutes les sociétés de transports publics dépensent des fortunes pour lutter contre ce fléau. Il n’est donc pas question ici de faire l’apologie des fraudeurs » ((La Libre, 29 mai 2012)). Parfois, l’on peut se demander si les précautions journalistiques sont plus le reflet d’une ligne de conduite dictée par la rédaction du journal avec pour fonction de se protéger contre toute catégorisation de la part de certains lecteurs – qui assimileraient le journal à un affreux canard communiste ou, pire, un journal colonisé par des idées  décroissantes –, et donc de protéger son « entreprise » – le journal – , ou si elles sont l’émanation d’une opinion personnelle, ou les deux. Dans tous les cas, on peut voir dans ces précautions le reflet d’une pensée formatée qui ne demandera aucune confrontation personnelle de la part du lecteur ((Allant dans le sens des « idées reçues » décrites par Bourdieu : « Les idées reçues « sont des idées qui, quand vous les recevez, sont déjà reçues, en sorte que le problème de la réception ne se pose pas », Bourdieu, P., Sur la télévision, éditions Raisons d’Agir, Paris, 1996, p.30)), tant plusieurs décennies de néolibéralisme ont fait penser naturelles des pratiques sociales – créant une dichotomie entre les « bons » citoyens » respectueux de ces pratiques et les « mauvais » qui ne les respectent pas – qui ont pourtant tout de choix arbitraires de société.

Le fraudeur, c’est-à-dire celui qui fait acte de « tromperie ou de falsification punie par la loi » ne l’est que parce que la loi a ainsi été faite. Devant le cynisme de la STIB qui par la voix de son patron évoquait il y a peu la nécessité de « traire les usagers » – richesse sémantique que ne peuvent qu’avoir les grands patrons, friands des formules chocs qui excitent les médias et laissent entendre tout l’effet dévastateur de cette pensée sur la gestion d’une entreprise publique comme la STIB -, devant ce cynisme donc, on aimerait opposer ce qui passera pour de la provocation dans un système de pensée tellement cadenassé : et pourquoi pas un réseau de transport gratuit ? Plus de portiques qui ont coûté des millions et créent un sentiment d’insécurité et de marchandisation obligée du déplacement en transport public, plus de contrôleurs, de machines à oblitérer, de bornes électroniques, de chauffeurs/caissiers ; de contrôles, d’altercations. Plus de fraude.

Changement donc : le transport public devient un droit qu’on peut exercer indépendamment de ses moyens financiers, le fraudeur n’en est plus un. A pied ou dans un transport en commun, il conserve le même statut. Il n’est plus « usager », « utilisateur », « en droit », « munis d’un titre de transport »… non, il est un citoyen qui exerce son droit.

A.P

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